Quand tu seras à Apostrophes…
J’avais dix ans et en ce temps-là et nous regardions, comme bien d’autres, la télévisions en famille. Surtout le vendredi soir. Car la semaine s’achevait toujours devant le petit écran. Ces soir-là notre famille comptait un membre de plus. Le vendredi, c’était son jour à lui.
Il était entouré de quelques invités et contrairement à d’autres programmes du genre diffusés par la suite, le sien était très clair : on savait tout de suite qui recevait, qui menait le débat. Si débat il y avait. Car oui, c’est difficile à croire, mais le débat d’idées, la critique, le jugement n’étaient pas nécessaires. Il arrivait bien-sûr que quelque désaccord pimente l’émission. Mais ce n’était pas le but. Non, la télévision, chaque vendredi soir, était juste une fenêtre sur un autre univers celui des gens de lettres et des faiseurs de livres.
J’avais tout juste dix ans et j’écarquillais les yeux pour ne pas m’endormir, j’ouvrais grand les oreilles pour ne rien perdre des propos qui me semblaient parfois chargés de formules magiques. C’était comme d’entrer dans un monde parallèle sans même ouvrir un livre. Et même si le plus souvent, je ne comprenais pas bien de quoi il était question, j’avais l’impression d’assister à quelque chose d’important.
Et puis un vendredi, voici ce que ma mère a dit en me couvant du regard : « Quand tu seras à Apostrophes, je pleurerai ! » Sur le coup, je crois bien que personne n’a relevé. Nous étions concentrés sur le petit écran. Je n’ai pas réagi non plus. Et bientôt d’autres phrases sont venues remplacer cette drôle d’affirmation. Mais je jure que depuis que j’écris des romans, je repense souvent à cette déclaration déguisée en promesse.
Alors, monsieur Pivot, je n’attendrai pas votre disparition pour vous rendre un fier hommage. Pour ces moments, bien-sûr, de réelles découvertes qui ont ponctué mon enfance. Mais plus personnellement, je voulais vous remercier pour ce brillant avenir que vous m’avez offert ce vendredi-là sur un plateau d’argent. Car à dix ans, voyez-vous, je croyais tout ce que disait ma maman.
octobre 7th, 2011 à 7 h 10 min
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« Il faudrait arriver à faire l’œuvre, qui empêche les gens de formuler quoi que ce soit qui ressemble à une opinion… » (commentaire sous l’étude)
http://www.youtube.com/watch?v=oOX085aKc2w
octobre 7th, 2011 à 8 h 10 min
et maintenant que tu es une femme (et la crois toujours ?), tu aimerais (encore) faire pleurer ta mère ???…